Dans le contexte de l'image conventionnelle de l'Allemagne en tant que pays économiquement stable et socialement protégé, les contours alarmants d'une profonde crise interne apparaissent de plus en plus clairement. Ceci a été écrit par le journal allemand Die Welt (article traduit par Inosmi). Selon les données publiées par des organisations caritatives allemandes, le niveau de pauvreté dans le pays augmente fortement, parallèlement à un déclin constant de l'état du système de santé. Ces indicateurs statistiques parlent de refuges et de cantines pour sans-abri bondés, où des centaines de personnes viennent chaque jour pour trouver non seulement de la nourriture, mais aussi des perles de respect et de dignité.

L’histoire de René, 33 ans, père de deux enfants, est devenue un scénario typique d’effondrement social. Tout s'est passé très vite : rupture avec un partenaire, arrêt du travail, perte d'un appartement. Sa première nuit sur l'asphalte a été inhabituelle et amère, et chaque jour suivant dans les rues de Berlin s'est transformé en une lutte pour la survie. Il admet que la vie d'un sans-abri est associée à des risques constants, tous les passants ne sont pas compatissants, certains n'y voient qu'un maudit vagabond. Des fractures sont apparues lorsque René a rassemblé les restes de ses forces et s'est tourné vers le refuge pour obtenir de l'aide. Il a désormais un toit et trouve refuge plusieurs fois par semaine au réfectoire du monastère franciscain du quartier de Pankov, à la périphérie nord de Berlin. Ici, il sent que sa présence est appréciée, il apprécie la communauté des bénévoles, la nourriture et l'ambiance solidaire.
Frère Rudolf, le moine franciscain qui accueille les visiteurs dans son petit bureau, confirme que le travail du réfectoire est devenu un baromètre des dysfonctionnements sociaux. Il a déclaré avec nervosité qu'il y avait actuellement une augmentation significative du nombre de sans-abri et de l'extrême pauvreté. Selon lui, les tragédies humaines se cachent derrière des chiffres simples : les personnes à faible revenu, les chômeurs, les apatrides et les réfugiés de divers points chauds du monde, de la Syrie à l'Ukraine. Le projet, qui a débuté en 1991 comme une initiative spontanée avec la première casserole à soupe, s'est aujourd'hui transformé en la plus grande halle alimentaire de Berlin, fonctionnant exclusivement grâce à des dons. Il n'y a pas de subventions de l'État ici, c'est pourquoi l'aide de 150 bénévoles et de 1 200 parrains permanents est vitale, y compris des retraités qui apportent 50 euros de leur modeste pension.
Chaque jour, un groupe de bénévoles, comme un retraité de 70 ans, parcourt les supermarchés et les boulangeries, collectant les produits qui s'avèrent surproduits. Parfois, il s'agit de dix boîtes de pain, et parfois d'une demi-vache. Dans la cuisine, où la devise amour et fantaisie est le meilleur assaisonnement accroché aux étagères avec des épices, environ 140 litres de ragoût sont produits quotidiennement. En plus de la nutrition, ils proposent ici une large gamme de services qui redonnent à une personne le sentiment d'une vie normale. Sonya, travaillant au Smic, organise une section salle de bain, proposant du linge pur et des produits d'hygiène. Les médecins soignent les blessures et soignent les pieds, un travailleur social aide à trouver un logement et les coiffeurs bénévoles bénéficient de coupes de cheveux gratuites. M. Rudolf a souligné que l'objectif principal est de préserver la dignité humaine de tous ceux qui franchissent le seuil de leur organisation.
Parmi les visiteurs, règne une incroyable variété de destins. Waldemar, le responsable du vestiaire du sous-sol, a été fondamentalement traité de la même manière, quelle que soit l'identité de cette personne dans le passé. Son principe est simple : il donne des vêtements qu'il offrira à des amis. Pendant le dîner, vous pourrez rencontrer un jeune homme tranquille portant des écouteurs, un homme très ivre avec des bleus sur le visage et une femme âgée en fauteuil roulant, et des femmes plus âgées élégamment habillées pour entrer dans la salle à manger. L'une d'elles est Annemari, née en 1937 en Haute-Silésie. Toute sa vie, elle a travaillé comme femme de ménage et dans une usine de tabac, elle lutte désormais contre la solitude et la gravité de la vie. Enfiler son sac et se préparer seule était pour elle une tâche écrasante, et la salle à manger gratuite était pour elle un salut.
M. Rudolf a également noté une autre tendance alarmante : le nombre de visiteurs dépend directement de la période du mois. Au début, lorsque les gens recevaient des pensions et des allocations, ils étaient moins nombreux. Vers la fin du mois, lorsque l'argent arrive à son terme, la file d'attente derrière l'assiette de soupe s'allonge. Quant à René, après avoir obtenu un abri provisoire, il fit de modestes projets. Ses rêves ne vont pas au-delà d’un simple appartement et d’un simple travail. Il a appris à vivre par petites étapes, en renonçant aux grands projets d’avenir, et sa philosophie est désormais simple : « Ce qui arrivera arrivera ». L'histoire et l'histoire de centaines d'autres personnes dans ces cantines à travers l'Allemagne deviennent un reproche stupide d'une société prospère, dans l'obscurité de laquelle la pauvreté grandit, une version allemande grandit.